Selon un célèbre journaliste arabe, le contrôle de Kirkouk par les forces du gouvernement central de Bagdad a annulé de facto les résultats du référendum d’indépendance de la région autonome du Kurdistan.
L’éditorialiste de Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, a commenté ce mercredi la position de la région autonome du Kurdistan irakien vis-à-vis de la reprise par les forces fédérales irakiennes de la ville de Kirkouk.
« Nous ne savons pas comment le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a évalué la nécessité d’une confrontation militaire avec les forces gouvernementales qui avançaient vers Kirkouk. Il a peut-être compris qu’il ne pouvait compter ni sur un soutien régional et international renforcé, ni sur une couverture aérienne américaine, ce qui aurait mis les Peshmergas dans une position de faiblesse et aurait porté atteinte aux intérêts des Kurdes d’Irak. Cela dit, la décision de Barzani de retirer les forces kurdes était une décision sage qui a empêché toute effusion de sang et a réduit les dégâts de part et d’autre. »
Atwan rappelle que les divergences qui existaient entre les Kurdes d’Erbil et de Souleimaniye se sont aggravées après l’annonce du référendum par Massoud Barzani. « Maintenant, les deux parties ne cessent de s’accuser mutuellement de trahison, et le déclenchement d’une guerre civile kurde est très probable », estime l’éditorialiste de Rai al-Youm.
Abdel Bari Atwan croit que les vrais problèmes de Massoud Barzani ne sont pas du tout liés aux relations avec le gouvernement de Bagdad, la Turquie ou l’Iran, mais porte sur les relations de Barzani, à l’intérieur de la région autonome du Kurdistan irakien, avec les partisans de l’Union patriotique du Kurdistan de feu Jalal Talabani et d’autres partis et groupes kurdes, jusqu’à l’intérieur de son propre Parti démocrate du Kurdistan.
« Les dirigeants de la région autonome du Kurdistan irakien n’ont pas tiré une leçon de l’histoire contemporaine du Moyen-Orient et sont tombés facilement dans le piège que leur ont tendu leurs soi-disant alliés américains et israéliens pour les instrumentaliser contre les peuples voisins, notamment les peuples arabes », estime Abdel Bari Atwan.
Pour Massoud Barzani, les choses n’ont pas évolué comme prévu, estime Atwan : « Tout le monde lui a tourné le dos. Ses amis israéliens, américains et turcs l’ont laissé seul, tandis que ses rivaux à Souleimaniye ne l’ont pas soutenu non plus. »
L’éditorialiste de Rai al-Youm rappelle que le jour où Barzani a organisé son référendum, les Peshmergas contrôlaient la ville de Kirkouk, son aéroport et ses puits de pétrole. Ils étaient également présents à Sinjar et Khanaqin, mais à peine trois semaines après le référendum qu’il avait tenu pour séparer le Kurdistan de l’Irak, les Peshmergas ont dû se retirer de toutes ces régions.
Abdel Bari Atwan estime qu’après la mort de Jalal Talabani, pour qui comptaient avant tout l’unité de l’Irak et l’unité interne des Kurdes, les dirigeants plus jeunes de l’Union patriotique du Kurdistan pourraient changer d’attitude envers Massoud Barzani et adopter une position moins complaisante envers ses diktats.
D’après Atwan, ceux qui ont organisé le référendum d’indépendance du Kurdistan irakien ne se sont pas réellement préparés pour le lendemain du référendum : « Ils étaient peut-être très sûrs d’eux, ont compté sur la faiblesse et l’inertie du gouvernement central ou sur le pragmatisme d’un Recep Tayyip Erdogan qui continuerait à faire du commerce avec le Kurdistan irakien comme si de rien n’était. Ils escomptaient surtout un soutien total des États-Unis et d’Israël. »
L’éditorialiste de Rai al-Youm conclut que le contrôle de Kirkouk par les forces du gouvernement central de Bagdad a annulé de facto les résultats du référendum d’indépendance de la région autonome du Kurdistan. Atwan ajoute que la situation est devenue plus favorable à la relance du dialogue entre Bagdad et les Kurdes pour trouver une solution à leurs problèmes dans le cadre d’un système fédéral et dans le respect de la Constitution.